En formulant la question de telle sorte qu'il souhaite qu'on y réponde « non », Monsieur Alexis Tsipras ne s'y trompe pas : c'est bien un « non » à un ensemble de pratiques et d'hypothèses qu'il appelle de ses vœux.
Et c'est en cela que ce « non » est plus une question sur « et la suite ? » qu'une réponse à un problème qui se trouverait ainsi enterré.
Une question à laquelle on répond « non » évoque plus la rupture que celle à laquelle on répond « oui », qui porte en elle la notion de continuité.
Nous sommes nombreux à souhaiter un « non », le plus franc et le plus massif possible. Force est cependant de constater que, parmi les partisans du « non », n'émerge pas de proposition positive, enthousiasmante. Sans aller jusqu'à parler de « grand soir » ou de lendemains qui chantent, à l'heure où ces lignes sont écrites, la principale raison de vouloir le « non » est... de ne pas vouloir le « oui ». Cette situation illustre de manière éclatante le mal de chien qu'il y a à penser un autre monde.
Pire, cela illustre également la difficulté qu'il y a à concevoir cet autre monde à partir d'une organisation telle qu'un parti politique. Non pas, loin s'en faut (et ce serait mal venu de ma part) que la forme « parti » soit à jeter à la poubelle mais bien que cette forme d'organisation amène immanquablement plus de difficultés que de possibilités, ici et maintenant.
Nous ne sommes pas face au néant : un grand nombre de propositions politiques existent, porteuses de changement. Aucune n'est susceptible de susciter l'élan social nécessaire à formuler ce qu'il adviendrait après un « non ». Et, de la même manière que le serpent qui se mord la queue, c'est cette absence qui rend le « non », celui des Grecs mais le nôtre également, aussi aléatoire : nous savons toutes et tous pertinemment bien que ce « non » est simplement nécessaire à l'espoir d'en finir un jour avec un système injuste et destructeur, mais il n'est en rien suffisant.
Je ne suis pas seul à me poser des questions quant à la manière de concevoir un autre possible et à vouloir le faire (aussi) en dehors des appareils politiques. Avec quelques amis, nous sommes en train de lancer un collectif, appelé « la Manivelle », qui est l'outil qui a toujours permis de relancer à la main, avec les moyens du bord, un système qui défaille. Le manifeste fondateur en est... ici.