Les belles années...
Les images d'Épinal associent
adolescence et années heureuses. En ce qui me concerne, je garde
principalement de cette période des souvenirs de tristesse, d'ennui
et de solitude.
Outre le militantisme politique et les mathématiques, ne m'en reste que la pratique du vélo. Aujourd'hui, d'aucuns saluent mon « courage » d'utiliser ce moyen de locomotion pour mes déplacements en ville. Je n'ai aucun mérite : je suis heureux d'être sur mon vélo.
J'ai énormément pratiqué cette activité. Elle exige travail, écoute, compréhension, tactique, patience, entraînement, opiniâtreté. C'est également une incroyable école d'humilité : n'importe qui est capable de passer sur à peu près n'importe quelle chaussée carrossable de notre pays... à condition d'y aller à son rythme, d'accepter qu'on n'est pas bon, qu'on manque d'entrainement et qu'on fera mieux la prochaine fois.
Faut-il que je l'aime, cette satanée bécane, pour que je la pratique avec tant de plaisir alors que j'y ai toujours été somme toute assez médiocre .
En parallèle, je dois confesser du respect pour les cyclistes. Qu'ils soient passables ou excellents, tous les cyclistes, rigoureusement tous, même dopés jusqu'aux narines, en bavent et je les respecte pour ça.
Donc, pour en revenir au sujet, l'adolescence est la période de ma vie où j'ai réellement appris le vélo. C'est également une période où je suivais les compétitions.
C'était l'époque de Claudy Criquielion. Claudy le gentil. Claudy dont j'aurais tellement voulu qu'il gagne Liège-Bastogne-Liège, course dont j'ai accompli le parcours en tant que cyclo-touriste. En avril 1987, il se présente en duo avec Stephen Roche, boulevard de la Sauvenière. Les deux coureurs se surveillent, font quasi du surplace et se font dépasser comme un missile par Moreno Argentin, qui rafle la mise. Claudy à qui j'ai repensé lorsque je suis allé à Barcelone, en septembre dernier et où, par hasard, je suis passé par Montjuich, là où il s'était échappé pour une chevauchée fantastique de 20 bornes, par une belle fin d'après-midi de septembre 1984, pour devenir champion du monde sur route. Imaginez les commentateurs sportifs de la RTBf qui se taisent, n'osant y croire ! Claudy pas si gentil qui rappelle que le grand champion de l'époque, Bernard Hinault, lui avait dit qu'il « ne serait jamais qu'un minable ». Claudy qui se fait voler une seconde victoire aux championnats du monde, quatre ans plus tard, agressé par ce voyou de Steve Bauer dans le sprint final.
Claudy Criquielion qui est décédé cette semaine, suite à un AVC, me remettant ainsi en tête tout ce que le vélo m'aura apporté dans la vie, la manière dont cela m'aura forgé le caractère, le fait que, contrairement à d'autres sports, il n'y a pas d'enfant gâtés en cyclisme. Le vélo qui, avant de rimer avec « écolo », rimait déjà avec « populo ».
Albert Camus disait : « Et vraiment, le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades de football, qui resteront mes vraies universités1 ». Moi, ce n'est pas les stades de football, c'est le vélo. Chacun son truc.
Ami lecteur, si tu vois un type entre deux âges qui prend l'avenue de la Toison d'Or dans le sens de la montée, en danseuse, sur le grand braquet, quasi intégré au trafic automobile, roulant comme un fou, c'est peut-être moi, sur mon terrain de prédilection, un faux plat qui convient à ma morphologie courte sur pattes et ne demande guère d'endurance. Sache qu'à ce moment, je m'amuse et suis heureux. Je me construits de belles années, trente ans après. Je donne un peu de sens aux quelques rares bons souvenirs de mon adolescence. Et j'ai une pensée pour Claudy, le champion gentil.
1Cité par Ollivier Pourriol dans son ouvrage « Éloge du mauvais geste »
Outre le militantisme politique et les mathématiques, ne m'en reste que la pratique du vélo. Aujourd'hui, d'aucuns saluent mon « courage » d'utiliser ce moyen de locomotion pour mes déplacements en ville. Je n'ai aucun mérite : je suis heureux d'être sur mon vélo.
J'ai énormément pratiqué cette activité. Elle exige travail, écoute, compréhension, tactique, patience, entraînement, opiniâtreté. C'est également une incroyable école d'humilité : n'importe qui est capable de passer sur à peu près n'importe quelle chaussée carrossable de notre pays... à condition d'y aller à son rythme, d'accepter qu'on n'est pas bon, qu'on manque d'entrainement et qu'on fera mieux la prochaine fois.
Faut-il que je l'aime, cette satanée bécane, pour que je la pratique avec tant de plaisir alors que j'y ai toujours été somme toute assez médiocre .
En parallèle, je dois confesser du respect pour les cyclistes. Qu'ils soient passables ou excellents, tous les cyclistes, rigoureusement tous, même dopés jusqu'aux narines, en bavent et je les respecte pour ça.
Donc, pour en revenir au sujet, l'adolescence est la période de ma vie où j'ai réellement appris le vélo. C'est également une période où je suivais les compétitions.
C'était l'époque de Claudy Criquielion. Claudy le gentil. Claudy dont j'aurais tellement voulu qu'il gagne Liège-Bastogne-Liège, course dont j'ai accompli le parcours en tant que cyclo-touriste. En avril 1987, il se présente en duo avec Stephen Roche, boulevard de la Sauvenière. Les deux coureurs se surveillent, font quasi du surplace et se font dépasser comme un missile par Moreno Argentin, qui rafle la mise. Claudy à qui j'ai repensé lorsque je suis allé à Barcelone, en septembre dernier et où, par hasard, je suis passé par Montjuich, là où il s'était échappé pour une chevauchée fantastique de 20 bornes, par une belle fin d'après-midi de septembre 1984, pour devenir champion du monde sur route. Imaginez les commentateurs sportifs de la RTBf qui se taisent, n'osant y croire ! Claudy pas si gentil qui rappelle que le grand champion de l'époque, Bernard Hinault, lui avait dit qu'il « ne serait jamais qu'un minable ». Claudy qui se fait voler une seconde victoire aux championnats du monde, quatre ans plus tard, agressé par ce voyou de Steve Bauer dans le sprint final.
Claudy Criquielion qui est décédé cette semaine, suite à un AVC, me remettant ainsi en tête tout ce que le vélo m'aura apporté dans la vie, la manière dont cela m'aura forgé le caractère, le fait que, contrairement à d'autres sports, il n'y a pas d'enfant gâtés en cyclisme. Le vélo qui, avant de rimer avec « écolo », rimait déjà avec « populo ».
Albert Camus disait : « Et vraiment, le peu de morale que je sais, je l'ai appris sur les scènes de théâtre et dans les stades de football, qui resteront mes vraies universités1 ». Moi, ce n'est pas les stades de football, c'est le vélo. Chacun son truc.
Ami lecteur, si tu vois un type entre deux âges qui prend l'avenue de la Toison d'Or dans le sens de la montée, en danseuse, sur le grand braquet, quasi intégré au trafic automobile, roulant comme un fou, c'est peut-être moi, sur mon terrain de prédilection, un faux plat qui convient à ma morphologie courte sur pattes et ne demande guère d'endurance. Sache qu'à ce moment, je m'amuse et suis heureux. Je me construits de belles années, trente ans après. Je donne un peu de sens aux quelques rares bons souvenirs de mon adolescence. Et j'ai une pensée pour Claudy, le champion gentil.
1Cité par Ollivier Pourriol dans son ouvrage « Éloge du mauvais geste »