Élargissement du ring: ma réponse à BruxselAIR
(Image: Greepeace)
En avril 2018, le collectif BruxselAIR demandait aux 19 communes de la Région Bruxelloise de s'exprimer concernant le projet d'élargissement du ring.
J'ai répondu au nom du Collège des Bourgmestre et Échevins de Forest.
Suite au positionnement du Collège de Bruxelles-Ville en faveur de cet élargissement, je publie cette réponse ici.
Bonne lecture, et bonne méditation sur une logique qui consiste à expulser les voitures du centre de Bruxelles tout en en attirant plus aux alentours!
A l'attention du collectif citoyen Bruxsel'AIR
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre « interpellation vis-à-vis de l'élargissement programmé du Ring de Bruxelles », pour sa complétude et la manière dont elle positionne l'enjeu.
La Commune de Forest a un intérêt direct quant à cette question. Les conséquences d'un élargissement du ring en matière de pollutions seraient particulièrement sensibles pour les Forestois.es. En outre, en tant que commune d'accès à la Région, tout accroissement de la circulation sur le ring se répercuterait sur la circulation dans Forest.
Ceci est totalement inacceptable et va à l'encontre de la politique menée par le Collège, qui vise au contraire à rendre l'usage de l'espace public au citoyen et en particulier aux usagers faibles et aux usagers « doux » (piétons et cyclistes).
D'une manière plus générale, ce n'est pas sombrer dans un régionalisme replié sur lui-même que d'affirmer que cet élargissement au bénéfice des automobilistes venant de l'extérieur de Bruxelles renforcerait l'idée selon laquelle Bruxelles est une Région que l'on consomme plutôt que de la vivre. Quoi de plus disruptif en effet pour la vie en ville qu'un flot accru d'automobiles qui sépare les quartiers empêchant ainsi la connaissance et la reconnaissance de l'autre?
Par ailleurs, votre courrier énumère les enjeux auxquels les grandes villes des pays industrialisés font face, enjeux dont la solution s'éloignerait avec un élargissement du ring.
La réponse du Collège des Bourgmestre et Échevins de la Commune de Forest à votre question est donc sans équivoque: nous sommes opposés à l'élargissement du ring.
Je me permets d'ajouter à ce prise de position officielle quelques considérations à titre personnel.
Le XXème siècle restera dans l'histoire celui de l'accélération de l'Anthropocène, soit la période géologique durant laquelle l'activité humaine a pris le pas sur les cycles naturels en termes d'influence sur le devenir physique de la Planète. Les archéologues du futur retrouveront notre traces de la même manière que les archéologues actuelles retrouvent les traces de l'apparition de la vie sur Terre ou des grandes glaciations.
Pour moi, l'Anthropocène n'est pas un concept: c'est une impasse civilisationnelle au sens où ces activités humaines à un endroit et à un moment entrainent des points de bascule à d'autres endroits et à d'autres moments. Ainsi, parler des conséquences graves du réchauffement climatique à Bruxelles reste plus confortable que dans ces villes du Moyen-Orient où la température a récemment frôlé la limite tolérable pour la survie d'un corps humain. Ailleurs, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, l'acidification des océans entrainent des conséquences directes pour la capacité de certaines populations à satisfaire leurs besoins alimentaires. Tout cela entraine des crises humanitaires majeures dont, malheureusement, nous ne voyons actuellement que le début.
La limite de la notion d'Anthropocène est qu'elle globalise l'activité humaine là où l'analyse historique menée par plusieurs auteurs établit que ce sont certaines catégories sociales et géographiques qui ont causé ce désastre.
Dans ce désastre, l'acte politique de la création d'une société (qui ne saurait être une civilisation) centrée sur l'automobile joue un rôle déterminant. Je parle d'acte politique et de société car le déploiement de l'automobile n'a de sens que si l'allocation des ressources et l'aménagement des territoires sont organisés en fonction de l'automobile. En bref, pour exister, la société de l'automobile exige qu'un nombre important de politiques publiques lui soient asservies; elle se rend également indispensable au sens où les moyens (financiers et spatiaux) qu'elle mobilise empêchent ou freinent d'autres possibilités de société.
Les conséquences dépassent celles que subissent notre Région et ses 19 communes: lorsque les villages meurent dans les pays industrialisés ou lorsque l'extraction des ressources nécessaires à la construction automobile et aux équipements électroniques, c'est en conséquence de l'accroissement du trafic automobile.
Ma position d'échevin de la mobilité est donc qu'en s'opposant à l'accroissement du trafic automobile ici, nous agissons également solidairement avec celles et ceux qui en subissent ou en subiront les conséquences ailleurs.
Soyez assurés, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de toute ma considération.
Jean-Claude Englebert
1er échevin en charge (entre autres) de la mobilité
Commune de Forest
En avril 2018, le collectif BruxselAIR demandait aux 19 communes de la Région Bruxelloise de s'exprimer concernant le projet d'élargissement du ring.
J'ai répondu au nom du Collège des Bourgmestre et Échevins de Forest.
Suite au positionnement du Collège de Bruxelles-Ville en faveur de cet élargissement, je publie cette réponse ici.
Bonne lecture, et bonne méditation sur une logique qui consiste à expulser les voitures du centre de Bruxelles tout en en attirant plus aux alentours!
A l'attention du collectif citoyen Bruxsel'AIR
Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,
Permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour votre « interpellation vis-à-vis de l'élargissement programmé du Ring de Bruxelles », pour sa complétude et la manière dont elle positionne l'enjeu.
La Commune de Forest a un intérêt direct quant à cette question. Les conséquences d'un élargissement du ring en matière de pollutions seraient particulièrement sensibles pour les Forestois.es. En outre, en tant que commune d'accès à la Région, tout accroissement de la circulation sur le ring se répercuterait sur la circulation dans Forest.
Ceci est totalement inacceptable et va à l'encontre de la politique menée par le Collège, qui vise au contraire à rendre l'usage de l'espace public au citoyen et en particulier aux usagers faibles et aux usagers « doux » (piétons et cyclistes).
D'une manière plus générale, ce n'est pas sombrer dans un régionalisme replié sur lui-même que d'affirmer que cet élargissement au bénéfice des automobilistes venant de l'extérieur de Bruxelles renforcerait l'idée selon laquelle Bruxelles est une Région que l'on consomme plutôt que de la vivre. Quoi de plus disruptif en effet pour la vie en ville qu'un flot accru d'automobiles qui sépare les quartiers empêchant ainsi la connaissance et la reconnaissance de l'autre?
Par ailleurs, votre courrier énumère les enjeux auxquels les grandes villes des pays industrialisés font face, enjeux dont la solution s'éloignerait avec un élargissement du ring.
La réponse du Collège des Bourgmestre et Échevins de la Commune de Forest à votre question est donc sans équivoque: nous sommes opposés à l'élargissement du ring.
Je me permets d'ajouter à ce prise de position officielle quelques considérations à titre personnel.
Le XXème siècle restera dans l'histoire celui de l'accélération de l'Anthropocène, soit la période géologique durant laquelle l'activité humaine a pris le pas sur les cycles naturels en termes d'influence sur le devenir physique de la Planète. Les archéologues du futur retrouveront notre traces de la même manière que les archéologues actuelles retrouvent les traces de l'apparition de la vie sur Terre ou des grandes glaciations.
Pour moi, l'Anthropocène n'est pas un concept: c'est une impasse civilisationnelle au sens où ces activités humaines à un endroit et à un moment entrainent des points de bascule à d'autres endroits et à d'autres moments. Ainsi, parler des conséquences graves du réchauffement climatique à Bruxelles reste plus confortable que dans ces villes du Moyen-Orient où la température a récemment frôlé la limite tolérable pour la survie d'un corps humain. Ailleurs, le réchauffement climatique, la perte de biodiversité, l'acidification des océans entrainent des conséquences directes pour la capacité de certaines populations à satisfaire leurs besoins alimentaires. Tout cela entraine des crises humanitaires majeures dont, malheureusement, nous ne voyons actuellement que le début.
La limite de la notion d'Anthropocène est qu'elle globalise l'activité humaine là où l'analyse historique menée par plusieurs auteurs établit que ce sont certaines catégories sociales et géographiques qui ont causé ce désastre.
Dans ce désastre, l'acte politique de la création d'une société (qui ne saurait être une civilisation) centrée sur l'automobile joue un rôle déterminant. Je parle d'acte politique et de société car le déploiement de l'automobile n'a de sens que si l'allocation des ressources et l'aménagement des territoires sont organisés en fonction de l'automobile. En bref, pour exister, la société de l'automobile exige qu'un nombre important de politiques publiques lui soient asservies; elle se rend également indispensable au sens où les moyens (financiers et spatiaux) qu'elle mobilise empêchent ou freinent d'autres possibilités de société.
Les conséquences dépassent celles que subissent notre Région et ses 19 communes: lorsque les villages meurent dans les pays industrialisés ou lorsque l'extraction des ressources nécessaires à la construction automobile et aux équipements électroniques, c'est en conséquence de l'accroissement du trafic automobile.
Ma position d'échevin de la mobilité est donc qu'en s'opposant à l'accroissement du trafic automobile ici, nous agissons également solidairement avec celles et ceux qui en subissent ou en subiront les conséquences ailleurs.
Soyez assurés, Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs, de toute ma considération.
Jean-Claude Englebert
1er échevin en charge (entre autres) de la mobilité
Commune de Forest