Entre écologie politique et gauche, la confusion a longtemps prévalu. Les raisons en sont partagées. Certains héritiers de la gauche traditionnelle, productiviste n'ont toujours pas intégré la dimension sociale de l'écologie. D'une part, les premières victimes écologiques sont systématiquement les plus démunis. D'autre part, si l'écologie peut être vue comme un impératif, avec tout ce que cela suppose d'autoritarisme, elle peut également être vécue comme un changement de paradigme enthousiasmant et accessible, en dépassant les implications humaines du productivisme : conditions de travail harassantes, course au pouvoir d'achat, à la performance, à des vies perdues à la gagner (sa vie).
Les Verts pour leur part ne sont pas toujours au clair dans leur positionnement par rapport aux questions sociales, aux questions de domination et au Capital. Quarante ans après la publication du texte d'André Gorz, « Leur écologie et la nôtre », nombreux restent les écologistes aveuglés par le mirage du Capitalisme Vert. En outre, nombreux restent les militants et dirigeants écologistes qui n'ont guère envie de frayer avec les pue-la-sueur sortant des usines ou faisant la file dans les agences d'intérim.
Enfin, la gauche a surtout un problème avec elle-même. On ne fustigera jamais assez l'avènement du néo-libéralisme mais oublier que, sous nos contrées, il fut et est toujours mis en œuvre par des partis se réclamant de la gauche. Cela concourt à mettre en position délicate les écologistes qui assument pleinement leur positionnement à gauche : quelle gauche ? Celle de Manuel Valls et François Hollande ou celle d'Olivier Besancenot ? Celle d'Elio Di Rupo ou celle de Raoul Hedebouw ?
Choisir entre une gauche de gouvernement qui n'est plus de gauche (et n'est plus de gouvernement en Belgique ; cela pourrait arriver en France...) et une gauche qui se fait plaisir en assénant des slogans n'est pas des plus enthousiasmant et il est difficile d'imaginer les uns et les autres partager grand chose comme combats futurs.
L'économiste-philosophe Frédéric Lordon, dans son article « La gauche ne peut pas mourir », propose une définition élégante de la gauche : la lutte contre la souveraineté du capital. Cette définition est inclusive, précise et pragmatique : elle permet une démarcation claire et autorise des interprétations riches.
Elle est également très intéressante pour les écologistes en ce sens qu'elle inclut automatiquement l'écologie politique en son sein. On peut évidemment contester l'existence actuelle de la souveraineté du capital, mais ce négationnisme serait au moins équivalent en ampleur à celui que d'aucuns réservent au réchauffement climatique. Or un écologiste ne peut, par définition, pas nier les faits. On peut s'illusionner quant à la possibilité d'un capital souverain qui serait écologiste pour autre chose que sa propre survivance. Il n'est de voir la brutalité du capital lorsqu'il licencie, ferme des usines ou presse ses salariés pour comprendre qu'il n'y a pas plus de capital délibérément écologiste que de beurre en branche.
Dans l'autre sens, contester la souveraineté du capital est intrinsèquement écologiste. Ce n'était peut-être pas vrai il y a 25 ans mais cela l'est en 2014. Pour ne prendre qu'un exemple, le cas des magasins « low cost » alimentaires est particulièrement édifiant à cet égard. Le « low cost » est le contraire de ce qu'un homme ou une femme de gauche peut souhaiter.
En effet, le « low cost » est la mise sur le marché des investissements financier du business de la pauvreté, de la précarité. Il n'existe que parce qu'il y a des exploités, directs (travailleurs à bas revenus) ou indirects (l'armée de réserve du capital : chômeurs et allocataires sociaux dont la fonction sociale est que ceux qui se situent économiquement juste au dessus se tiennent bien tranquilles). La condition première d'existence du « low cost » est la précarité économique. Même si la clientèle du « low cost » s'étend bien au delà des classes dominées, elles en constituent son « fonds de commerce ». Lutter à gauche au sens classique du terme, c'est donc lutter pour que les « low cost » n'aient plus lieu d'être. Cette lutte est également intrinsèquement écologiste :
Pendant la même période que gauche et écologie se regardaient en chien de faïence, la notion même de gauche telle que traditionnellement spécifiée se délitait. L'article salutaire de Frédéric Lordon, outre qu'il explique en quoi la possibilité de la mort de la gauche est absconse, propose une définition de la gauche ouverte, modeste d'un certain point de vue mais exigeante par rapport à la tentation de se faire plaisir en scandant des slogans sans fondements. Il permet également de remettre les pendules à l'heure pour une écologie politique qui a goûté aux délices du pouvoir et a été tentée de confondre compromis et compromission, en Belgique comme en France.
Y remédier aboutit nécessairement à établir une équivalence entre gauche et écologie politique. Le chemin est certes étroit et périlleux. A minima, si ce chemin devait mener à d'autres défaites, resterait la dignité d'avoir essayé, ce qui, par les temps qui courent, serait déjà énorme.
Les Verts pour leur part ne sont pas toujours au clair dans leur positionnement par rapport aux questions sociales, aux questions de domination et au Capital. Quarante ans après la publication du texte d'André Gorz, « Leur écologie et la nôtre », nombreux restent les écologistes aveuglés par le mirage du Capitalisme Vert. En outre, nombreux restent les militants et dirigeants écologistes qui n'ont guère envie de frayer avec les pue-la-sueur sortant des usines ou faisant la file dans les agences d'intérim.
Enfin, la gauche a surtout un problème avec elle-même. On ne fustigera jamais assez l'avènement du néo-libéralisme mais oublier que, sous nos contrées, il fut et est toujours mis en œuvre par des partis se réclamant de la gauche. Cela concourt à mettre en position délicate les écologistes qui assument pleinement leur positionnement à gauche : quelle gauche ? Celle de Manuel Valls et François Hollande ou celle d'Olivier Besancenot ? Celle d'Elio Di Rupo ou celle de Raoul Hedebouw ?
Choisir entre une gauche de gouvernement qui n'est plus de gauche (et n'est plus de gouvernement en Belgique ; cela pourrait arriver en France...) et une gauche qui se fait plaisir en assénant des slogans n'est pas des plus enthousiasmant et il est difficile d'imaginer les uns et les autres partager grand chose comme combats futurs.
L'économiste-philosophe Frédéric Lordon, dans son article « La gauche ne peut pas mourir », propose une définition élégante de la gauche : la lutte contre la souveraineté du capital. Cette définition est inclusive, précise et pragmatique : elle permet une démarcation claire et autorise des interprétations riches.
Elle est également très intéressante pour les écologistes en ce sens qu'elle inclut automatiquement l'écologie politique en son sein. On peut évidemment contester l'existence actuelle de la souveraineté du capital, mais ce négationnisme serait au moins équivalent en ampleur à celui que d'aucuns réservent au réchauffement climatique. Or un écologiste ne peut, par définition, pas nier les faits. On peut s'illusionner quant à la possibilité d'un capital souverain qui serait écologiste pour autre chose que sa propre survivance. Il n'est de voir la brutalité du capital lorsqu'il licencie, ferme des usines ou presse ses salariés pour comprendre qu'il n'y a pas plus de capital délibérément écologiste que de beurre en branche.
Dans l'autre sens, contester la souveraineté du capital est intrinsèquement écologiste. Ce n'était peut-être pas vrai il y a 25 ans mais cela l'est en 2014. Pour ne prendre qu'un exemple, le cas des magasins « low cost » alimentaires est particulièrement édifiant à cet égard. Le « low cost » est le contraire de ce qu'un homme ou une femme de gauche peut souhaiter.
En effet, le « low cost » est la mise sur le marché des investissements financier du business de la pauvreté, de la précarité. Il n'existe que parce qu'il y a des exploités, directs (travailleurs à bas revenus) ou indirects (l'armée de réserve du capital : chômeurs et allocataires sociaux dont la fonction sociale est que ceux qui se situent économiquement juste au dessus se tiennent bien tranquilles). La condition première d'existence du « low cost » est la précarité économique. Même si la clientèle du « low cost » s'étend bien au delà des classes dominées, elles en constituent son « fonds de commerce ». Lutter à gauche au sens classique du terme, c'est donc lutter pour que les « low cost » n'aient plus lieu d'être. Cette lutte est également intrinsèquement écologiste :
- la course à la baisse du prix de vente se fait systématiquement au détriment de la qualité ; on m'objectera sans avoir tout à fait tort que les magasins « low cost » proposent également des produits de qualité, mais leur « business model » est basé sur la possibilité d'acheter de la nourriture au prix le plus bas possible ;
- tout, dans un magasin « low cost », est conçu pour que le salarié qui y travaille n'ait aucune question à se poser quant à ce qu'il y a à faire : le magasin est entièrement optimisé pour que chaque chose ait sa place et pour que chacun puisse et doive y remplir toutes les tâches ; comment rêver, comment cauchemarder plutôt, plus grande dépossession des savoir-faire, plus grande optimisation de la prolétarisation, c'est-à-dire l'instrumentalisation de l'Humain comme élément d'un processus conçu ex nihilo ?
- le « low cost », plus encore que les autres opérateurs de la grande distribution, est basé sur la livraison en flux tendu, livraison qui n'est possible que si l'environnement du magasin dispose d'un réseau routier fluide.
Pendant la même période que gauche et écologie se regardaient en chien de faïence, la notion même de gauche telle que traditionnellement spécifiée se délitait. L'article salutaire de Frédéric Lordon, outre qu'il explique en quoi la possibilité de la mort de la gauche est absconse, propose une définition de la gauche ouverte, modeste d'un certain point de vue mais exigeante par rapport à la tentation de se faire plaisir en scandant des slogans sans fondements. Il permet également de remettre les pendules à l'heure pour une écologie politique qui a goûté aux délices du pouvoir et a été tentée de confondre compromis et compromission, en Belgique comme en France.
Y remédier aboutit nécessairement à établir une équivalence entre gauche et écologie politique. Le chemin est certes étroit et périlleux. A minima, si ce chemin devait mener à d'autres défaites, resterait la dignité d'avoir essayé, ce qui, par les temps qui courent, serait déjà énorme.