(texte datant de mars 2015)
La laïcité s'est imposée à l'agenda suite aux attentats de Paris début janvier 2015, commis par des terroristes se revendiquant d'Al-Quaeda et de l'Organisation de l'État Islamique. En son nom, tout et son contraire fut dit, jusqu'à la maltraiter.
La laïcité a été consacrée en France par la loi sur la séparation entre l'Église et l'État en 1905, dans un contexte d'antisémitisme (l'affaire Dreyfus date de 1894), à une époque où l'église catholique est omniprésente. La laïcité protège le culte et le met hors-jeu de l'action publique.
En Belgique, la laïcité est dans un entre-deux : mise sur un pied d'égalité avec les cultes reconnus (catholique, protestant, orthodoxe, israélite, musulman), elle est tour à tour confondue avec la neutralité et avec l'athéisme.
Depuis que le port du foulard est devenu point de crispation, des directeurs de conscience se sont emparés de la laïcité pour distribuer bons et mauvais points. Ecolo fut ainsi voué à l'enfer de la laïcité pour avoir refusé de brûler le fichu fichu. Il existe une interprétation de la laïcité et une seule, malheur à qui s'en écarte. Cherchez l'analogie...
En exterminant une grande partie de la rédaction de Charlie-Hebdo et en tuant des Juifs parce que Juifs, Coulibaly et les frères Kouachi n'ont pas fait que tuer 17 personnes : ils ont rapproché les directeurs de conscience de la laïcité et les Croisés de tout poil couvrant tout le champ de l'extrême-droite, de l'islamophobie à l'antisémitisme. Le piège est alors grand ouvert : choisir son camp entre terroristes et tenants d'une laïcité enseignée avec les méthodes des missionnaires catholiques dans les colonies. Ainsi Élisabeth Badinter déclarant qu'en dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité ou Roger Cukierman, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, pour qui Marine Le Pen est « irréprochable personnellement », elle qui n'a jamais désavoué les « chambres à gaz, détails de l'Histoire de la seconde guerre mondiale » de son père. Comment ne pas en avoir le cœur qui saigne ?
Cette laïcité est ligne de fracture de la société plutôt que manière de construire paisiblement ensemble, en voyant nos origines différentes comme autant de sources d'enrichissement. Le mot est utilisé contre ce qu'il porte, plus qu'une idée, une manière émancipatrice de vivre en société.
Dans le champ politique, le concept de laïcité se généralise facilement au fait de concevoir les « affaires de la ville et du Monde » indépendamment de ses propres affects et passions : on peut défendre les droits des homosexuels en étant hétéro, le féminisme en étant un homme, les opprimés en étant plus ou moins nanti. La laïcité, c'est la lutte de tous les instants contre l'essentialisme, ce méta-racisme qui explique tout en fonction des appartenances culturelles, politiques, ethniques. La laïcité, c'est la liberté de penser la société de manière inclusive.
La laïcité est un outil de médiation: elle permet de vivre en société tout en ayant chacun nos représentations du sacré, qui manquent en ces temps de misère symbolique1 et combattent le marketing omniprésent. Elle fut historiquement un outil d'émancipation de l'obscurantisme à une époque où la foi catholique était utilisée pour freiner les revendications populaires. La laïcité est un cadre de compréhension d'une société où vivent côte à côte des individus différents socialement et culturellement. Elle ne peut devenir un instrument d'oppression des opprimés.
La laïcité doit redevenir ce qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être : une élévation de l'esprit, une manière de vivre son sacré sans volonté d'écraser l'autre, comme une auberge espagnole, une après-midi au parc où l'on étale une nappe à carreaux dans l'herbe, et, comme on partage la chair et la boisson, on partage nos passés pour construire un futur commun, paisible et positif.
1« conditionnement se substituant à l’expérience », dans « De la misère symbolique », Bernard Stiegler, Flammarion
La laïcité a été consacrée en France par la loi sur la séparation entre l'Église et l'État en 1905, dans un contexte d'antisémitisme (l'affaire Dreyfus date de 1894), à une époque où l'église catholique est omniprésente. La laïcité protège le culte et le met hors-jeu de l'action publique.
En Belgique, la laïcité est dans un entre-deux : mise sur un pied d'égalité avec les cultes reconnus (catholique, protestant, orthodoxe, israélite, musulman), elle est tour à tour confondue avec la neutralité et avec l'athéisme.
Depuis que le port du foulard est devenu point de crispation, des directeurs de conscience se sont emparés de la laïcité pour distribuer bons et mauvais points. Ecolo fut ainsi voué à l'enfer de la laïcité pour avoir refusé de brûler le fichu fichu. Il existe une interprétation de la laïcité et une seule, malheur à qui s'en écarte. Cherchez l'analogie...
En exterminant une grande partie de la rédaction de Charlie-Hebdo et en tuant des Juifs parce que Juifs, Coulibaly et les frères Kouachi n'ont pas fait que tuer 17 personnes : ils ont rapproché les directeurs de conscience de la laïcité et les Croisés de tout poil couvrant tout le champ de l'extrême-droite, de l'islamophobie à l'antisémitisme. Le piège est alors grand ouvert : choisir son camp entre terroristes et tenants d'une laïcité enseignée avec les méthodes des missionnaires catholiques dans les colonies. Ainsi Élisabeth Badinter déclarant qu'en dehors de Marine Le Pen, plus personne ne défend la laïcité ou Roger Cukierman, président du Conseil Représentatif des Institutions Juives de France, pour qui Marine Le Pen est « irréprochable personnellement », elle qui n'a jamais désavoué les « chambres à gaz, détails de l'Histoire de la seconde guerre mondiale » de son père. Comment ne pas en avoir le cœur qui saigne ?
Cette laïcité est ligne de fracture de la société plutôt que manière de construire paisiblement ensemble, en voyant nos origines différentes comme autant de sources d'enrichissement. Le mot est utilisé contre ce qu'il porte, plus qu'une idée, une manière émancipatrice de vivre en société.
Dans le champ politique, le concept de laïcité se généralise facilement au fait de concevoir les « affaires de la ville et du Monde » indépendamment de ses propres affects et passions : on peut défendre les droits des homosexuels en étant hétéro, le féminisme en étant un homme, les opprimés en étant plus ou moins nanti. La laïcité, c'est la lutte de tous les instants contre l'essentialisme, ce méta-racisme qui explique tout en fonction des appartenances culturelles, politiques, ethniques. La laïcité, c'est la liberté de penser la société de manière inclusive.
La laïcité est un outil de médiation: elle permet de vivre en société tout en ayant chacun nos représentations du sacré, qui manquent en ces temps de misère symbolique1 et combattent le marketing omniprésent. Elle fut historiquement un outil d'émancipation de l'obscurantisme à une époque où la foi catholique était utilisée pour freiner les revendications populaires. La laïcité est un cadre de compréhension d'une société où vivent côte à côte des individus différents socialement et culturellement. Elle ne peut devenir un instrument d'oppression des opprimés.
La laïcité doit redevenir ce qu'elle n'aurait jamais du cesser d'être : une élévation de l'esprit, une manière de vivre son sacré sans volonté d'écraser l'autre, comme une auberge espagnole, une après-midi au parc où l'on étale une nappe à carreaux dans l'herbe, et, comme on partage la chair et la boisson, on partage nos passés pour construire un futur commun, paisible et positif.
1« conditionnement se substituant à l’expérience », dans « De la misère symbolique », Bernard Stiegler, Flammarion