Une semaine. À l'heure d'écrire ce texte, cela fait une semaine que je n'ai RIEN posté sur mon mur Facebook1. Et à peu près le même temps que je n'ai plus rien "liké" (ou "adoré", "Haha-té", "Wouah-hé", "tristé" ou "Grr-hé") ni commenté ni partagé.
Je suis toujours là. Je vous lis, je passe plus de temps à vraiment lire ce que vous partagez et, quelquefois, lorsque j'ai le temps, je préfère contacter l'auteur directement, par « chat ». Et si je n'ai pas le temps, alors je me refuse à utiliser cette prothèse que constitue le bouton « like » (ou ses dérivés) pour dire « coucou, je suis là, je suis ton copain ». Facebook pourrait avoir pris tellement de place que cela me ferait paraître distant, en particulier de ceux de mes « amis » Facebook qui sont de vrais amis, éventuellement jusque dans le beau matériel qu'ils publient.
Si c'est le cas, si mes vrais amis se sentent lâchés, alors c'est vraiment le signe que je suis un mauvais ami et que Facebook est devenu le lieu unique de socialisation, l'endroit où on se rencontre.
Je peux toujours changer d'avis, mais je visualise le moment où je cliquerai à nouveau comme celui où j'ai recommencé à fumer.
L'étendue du piège m'était apparue violemment après l'attentat au camion de Nice du 14 juillet. Après le vrai scénario de film d'horreur quasi en direct, les cadavres des 84 tués immédiats pas encore refroidis, un épouvantable et obscène vacarme s'en était suivi.
Les "Je n'ai pas de mots", "Toute ma solidarité", "Je suis Nice", "L"horreur", sans compter les multiples analyses aussi pénétrantes que des discussions de comptoir de bistrot, où tout le monde est bourré, m'avaient donné envie de crier "MAIS TAISEZ VOUS! Il y a peut-être quelqu'un qui a quelque chose d'intéressant à dire et on ne le verra pas!"2
Et le piège est là: Facebook n'est pas fait pour ça. Facebook est précisément conçu pour produire de manière massive de la réaction pulsionnelle. Et le paradoxe qui aurait consisté à dire "Taisez-vous!" n'aurait évidemment pas aidé.
Au lendemain de l'attentat, je trouvais la force de poster une citation de Roland Barthes (lue dans un journal), la trouvant à propos: "L'écriture a finalement pour fonction de faire l'économie d'un procès; elle vise à donner le réel sous sa forme jugée, imposant une lecture immédiate des condamnations". Rien de plus : je ne voyais pas ce que j'avais à dire pour contribuer au progrès de l'Humanité.
84 personnes étaient mortes, plusieurs dizaines d'autres avaient été blessées, des « journalistes » étaient venus interviewer des rescapés à côté du cadavre de personnes aimées.
Même cela, je me sentais incapable de le dénoncer : dénoncer ce qui est évidemment abominable me semble rendre cet abominable sujet à discussion. Je voyais ça aussi comme un piège.
84 personnes étaient mortes et je me sentais honteux à la fois pour tous mes « collègues » élus (dont beaucoup de personnes que j'apprécie) qui y allaient de leur petit couplet exprimant leur ressenti que pour les personnes qui « likaient » ou commentaient : tout cela me semblait et me semble toujours contribuer à la « banalité du Mal ».
Il y a eu Merah, il y a eu le Musée Juif, Charlie, l'Hyper-Casher, le Bataclan et les terrasses, l'aéroport de Zaventem et le métro bruxellois. Nice a été pour moi la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, un rappel de ce que si je n'ai rien à dire d'intelligent, et bien c'est qu'il faut que je ferme ma gueule et que, a minima, je ne joue pas dans l'hystérie collective, quand bien même cette hystérie est parfaitement compréhensible. Ne rien dire plutôt que de me demander ce que je pourrais inventer la prochaine fois : il va de soi que tout le monde s'en fiche puisque personne ne se souviendra de ce que j'aurais dit après le 14 juillet 2016. Il m'a semblé que, face à 84 morts, après tant d'autres morts, le temps était venu de ne rompre le silence que pour dire quelque chose qui soit à la hauteur de l'événement et de la dignité qu'il impose.
Au-delà de la liste que j'énumérais plus haut, qui se souvient de Diyarbakir le 5 juin 2015 (meeting électoral de la coalition de gauche turque HDP), des 35 jeunes qui se préparaient à aller reconstruire Kobane le 20 juillet 2015) ou des 102 morts d'Ankara le 10 octobre 2015, en pleine campagne électorale turque ?
Pas moi, en tout cas : j'ai du faire des recherches sur le Web pour en retrouver trace3. De toute manière, tout cela a été balayé médiatiquement par la tentative de coup d'état en Turquie et la répression qui s'en est suivi.
Tout cela me semble être le signe d'une maladie profonde, une perte d'attention et de conscience, une incapacité à fixer son attention sur l'abomination et à la regarder en face.
Je ne prétends en rien me soigner de cette maladie et encore moins à donner de leçon à quiconque. Simplement, aujourd'hui 25 août 2016, je n'ai pas envie de faire quelque chose qui me semble de nature à risquer de propager cette maladie.
Je pense en revanche que les solutions à la violence dont nous faisons l'expérience actuellement ne viendront pas d'une agitation fébrile. Avec des amis, j'ai parlé de la nécessité de « reprendre la main », ici : http://lamanivelle.net/?p=127, ce qui requiert de ne pas se laisser incessamment imposer un agenda qui n'est pas le sien.
Et ce n'est évidemment pas la polémique sur le burkini qui va me faire revoir mon avis sur la question, quand bien même je me sens solidaire de ce que beaucoup de mes amis « postent » sur la question, et en particulier les femmes d'ascendance arabo-musulmane.
Je ne reviendrai pas trop longtemps sur la consternation dans laquelle m'ont plongé les Jeux Olympiques. On va au stade, on assiste à une compétition sportive, on applaudit les exploits : fort bien. Pour une personnalité un tant soi peu médiatique, reposter à n'en plus finir des articles ou des félicitations à « nos athlètes belges », c'est un peu comme applaudir via Facebook… dans le but de se faire applaudir soi-même en train d'applaudir ! Non, mais, eh, oh, les gars, ça va aller, oui ?
Les parents, l'entraineur, les copains du club de sport, bref, tous ceux qui ont joué un rôle là-dedans, OK, je comprends. Mais à part montrer qu'on est « comme tout le monde » ou pire laisser accroire qu'on y est pour quelque chose, ça rime à quoi, franchement ?
Je parlais plus haut du fait que Facebook se soit imposé comme lieu de rencontre. Je pense que c'est une usurpation totale. Tout d'abord parce qu'on peut lire, poster, commenter son Facebook à partir des endroits les plus improbables4. Surtout parce que ce n'est absolument pas une rencontre : c'est une activité compulsive. La rencontre doit être reconstruite, vraie, soignée, avec du temps de qualité.
Il n'y a pas le temps ? Alors Facebook ne résoudra pas ça. La seule chose que fait Facebook, c'est stocker méticuleusement l'ensemble de nos interactions de façon à enrichir le graphe de nos relations sociales et donc à proposer sur nos murs les contenus les plus enclins à développer notre addiction. On n'a certes pas toujours le temps d'aller prendre un pot. Le « chat » permet des échanges un peu plus élaborés. Le mail reste le moyen de communication électronique qui permet plus de soin : lire avec attention ce qu'on a reçu, répondre presque comme à l'époque où les courriers s'échangeaient sous enveloppe, sauvegarder un message dans ces brouillons tant qu'on n'est pas sur : ces pratiques tendent à disparaître.
Passé la stupeur de l'attentat de Nice et la sidération de ce à quoi j'assistais, il n'y a pas eu d'événement particulier qui m'a donné de Facebook l'image d'un aquarium dont j'avais envie de sortir, quitte à continuer à regarder ce qu'il s'y passe. Et il continue à s'y passer de belles choses, même si je regrette que certaines « vedettes » ne consacrent pas leur intelligence à écrire des choses plus profondes que des posts qui font marrer tout le monde, à la manière d'un enfant turbulent qui amuse la famille et à qui on reprochera tôt ou tard son hyper-activité stérile, même si je regrette que d'autres « vedettes » soient devenues… des vedettes malgré la vacuité de leur discours.
Mon dernier « post » à succès fut un article consacré à Yvan Mayeur, dont j'ai dit qu'il est un ami et que l'article était une « intéressante pièce au dossier ». Ce n'est pas le torrent de commentaires dont certains franchissaient les limites qui m'a marqué, mais bien le fait que ces franchissements de limites me laissaient au final assez indifférent.
« Les indifférents sont le poids mort de l'histoire » disait Antonio Gramsci. Sortir de l'aquarium Facebook, quitte à regarder de temps à autre ce qui s'y passe est la manière dont, actuellement (ça peut changer), je lutte contre ma propre indifférence.
Si vous voulez savoir si je ne m'ennuie pas, la réponse est : non, mille fois non ! C'est dingue ce que ça laisse comme temps pour lire, en particulier pour lire des choses qui aident à comprendre, à défaut d'aider à aller bien.
Alors oui, j'aime Brassens et la crème glacée, mais j'ai confiance en la résilience de mes 3.587 contacts Facebook pour survivre sans que je revienne sur ces questions fondamentales sur mon mur Facebook...
« Mais nous devons absolument continuer à raisonner, à réfléchir pour essayer de comprendre. Même au moment le plus critique, dans l'impasse totale, comprendre est la seule issue possible. Si la violence que nous sommes en train de subir nous empêche de penser et de comprendre, alors c'est que nous avons perdu la dernière bataille ».
Ainsi écrivait un certain Yves Citton, écrivant la préface d'un livre5 au soir du 13 novembre 2015, apprenant que des dizaines personnes venaient de mourir dans les attentats de Paris.
Je ne juge personne : simplement, moi, pour penser et comprendre, j'ai éprouvé ce besoin de sortir de l'aquarium...
1Et le « post » de cet article vient de mon compte Twitter
2De belles choses sont venues, sans parvenir à s'extraire du brouhaha général ; ceci par exemple : https://quartierslibres.wordpress.com/2016/07/16/meurtres-de-masse-de-nice-made-in-america-ou-made-in-daech/
3http://www.liberation.fr/planete/2015/10/28/turquie-massacre-et-repression-entre-deux-elections_1409536
4Oui, même là. Enfin, vous je ne sais pas, mais moi, oui, ça m'est arrivé souvent. Et ce n'est définitivement pas un lieu de rencontre. En tout cas, pour vous, je ne sais pas, mais pour moi, non.
5« Tueries – Forcenés et suicidaires à l'ère du capitalisme absolu » - Franco « Bifo » Berardi, Lux Éditeur
Je suis toujours là. Je vous lis, je passe plus de temps à vraiment lire ce que vous partagez et, quelquefois, lorsque j'ai le temps, je préfère contacter l'auteur directement, par « chat ». Et si je n'ai pas le temps, alors je me refuse à utiliser cette prothèse que constitue le bouton « like » (ou ses dérivés) pour dire « coucou, je suis là, je suis ton copain ». Facebook pourrait avoir pris tellement de place que cela me ferait paraître distant, en particulier de ceux de mes « amis » Facebook qui sont de vrais amis, éventuellement jusque dans le beau matériel qu'ils publient.
Si c'est le cas, si mes vrais amis se sentent lâchés, alors c'est vraiment le signe que je suis un mauvais ami et que Facebook est devenu le lieu unique de socialisation, l'endroit où on se rencontre.
Je peux toujours changer d'avis, mais je visualise le moment où je cliquerai à nouveau comme celui où j'ai recommencé à fumer.
L'étendue du piège m'était apparue violemment après l'attentat au camion de Nice du 14 juillet. Après le vrai scénario de film d'horreur quasi en direct, les cadavres des 84 tués immédiats pas encore refroidis, un épouvantable et obscène vacarme s'en était suivi.
Les "Je n'ai pas de mots", "Toute ma solidarité", "Je suis Nice", "L"horreur", sans compter les multiples analyses aussi pénétrantes que des discussions de comptoir de bistrot, où tout le monde est bourré, m'avaient donné envie de crier "MAIS TAISEZ VOUS! Il y a peut-être quelqu'un qui a quelque chose d'intéressant à dire et on ne le verra pas!"2
Et le piège est là: Facebook n'est pas fait pour ça. Facebook est précisément conçu pour produire de manière massive de la réaction pulsionnelle. Et le paradoxe qui aurait consisté à dire "Taisez-vous!" n'aurait évidemment pas aidé.
Au lendemain de l'attentat, je trouvais la force de poster une citation de Roland Barthes (lue dans un journal), la trouvant à propos: "L'écriture a finalement pour fonction de faire l'économie d'un procès; elle vise à donner le réel sous sa forme jugée, imposant une lecture immédiate des condamnations". Rien de plus : je ne voyais pas ce que j'avais à dire pour contribuer au progrès de l'Humanité.
84 personnes étaient mortes, plusieurs dizaines d'autres avaient été blessées, des « journalistes » étaient venus interviewer des rescapés à côté du cadavre de personnes aimées.
Même cela, je me sentais incapable de le dénoncer : dénoncer ce qui est évidemment abominable me semble rendre cet abominable sujet à discussion. Je voyais ça aussi comme un piège.
84 personnes étaient mortes et je me sentais honteux à la fois pour tous mes « collègues » élus (dont beaucoup de personnes que j'apprécie) qui y allaient de leur petit couplet exprimant leur ressenti que pour les personnes qui « likaient » ou commentaient : tout cela me semblait et me semble toujours contribuer à la « banalité du Mal ».
Il y a eu Merah, il y a eu le Musée Juif, Charlie, l'Hyper-Casher, le Bataclan et les terrasses, l'aéroport de Zaventem et le métro bruxellois. Nice a été pour moi la goutte d'eau qui a fait déborder le vase, un rappel de ce que si je n'ai rien à dire d'intelligent, et bien c'est qu'il faut que je ferme ma gueule et que, a minima, je ne joue pas dans l'hystérie collective, quand bien même cette hystérie est parfaitement compréhensible. Ne rien dire plutôt que de me demander ce que je pourrais inventer la prochaine fois : il va de soi que tout le monde s'en fiche puisque personne ne se souviendra de ce que j'aurais dit après le 14 juillet 2016. Il m'a semblé que, face à 84 morts, après tant d'autres morts, le temps était venu de ne rompre le silence que pour dire quelque chose qui soit à la hauteur de l'événement et de la dignité qu'il impose.
Au-delà de la liste que j'énumérais plus haut, qui se souvient de Diyarbakir le 5 juin 2015 (meeting électoral de la coalition de gauche turque HDP), des 35 jeunes qui se préparaient à aller reconstruire Kobane le 20 juillet 2015) ou des 102 morts d'Ankara le 10 octobre 2015, en pleine campagne électorale turque ?
Pas moi, en tout cas : j'ai du faire des recherches sur le Web pour en retrouver trace3. De toute manière, tout cela a été balayé médiatiquement par la tentative de coup d'état en Turquie et la répression qui s'en est suivi.
Tout cela me semble être le signe d'une maladie profonde, une perte d'attention et de conscience, une incapacité à fixer son attention sur l'abomination et à la regarder en face.
Je ne prétends en rien me soigner de cette maladie et encore moins à donner de leçon à quiconque. Simplement, aujourd'hui 25 août 2016, je n'ai pas envie de faire quelque chose qui me semble de nature à risquer de propager cette maladie.
Je pense en revanche que les solutions à la violence dont nous faisons l'expérience actuellement ne viendront pas d'une agitation fébrile. Avec des amis, j'ai parlé de la nécessité de « reprendre la main », ici : http://lamanivelle.net/?p=127, ce qui requiert de ne pas se laisser incessamment imposer un agenda qui n'est pas le sien.
Et ce n'est évidemment pas la polémique sur le burkini qui va me faire revoir mon avis sur la question, quand bien même je me sens solidaire de ce que beaucoup de mes amis « postent » sur la question, et en particulier les femmes d'ascendance arabo-musulmane.
Je ne reviendrai pas trop longtemps sur la consternation dans laquelle m'ont plongé les Jeux Olympiques. On va au stade, on assiste à une compétition sportive, on applaudit les exploits : fort bien. Pour une personnalité un tant soi peu médiatique, reposter à n'en plus finir des articles ou des félicitations à « nos athlètes belges », c'est un peu comme applaudir via Facebook… dans le but de se faire applaudir soi-même en train d'applaudir ! Non, mais, eh, oh, les gars, ça va aller, oui ?
Les parents, l'entraineur, les copains du club de sport, bref, tous ceux qui ont joué un rôle là-dedans, OK, je comprends. Mais à part montrer qu'on est « comme tout le monde » ou pire laisser accroire qu'on y est pour quelque chose, ça rime à quoi, franchement ?
Je parlais plus haut du fait que Facebook se soit imposé comme lieu de rencontre. Je pense que c'est une usurpation totale. Tout d'abord parce qu'on peut lire, poster, commenter son Facebook à partir des endroits les plus improbables4. Surtout parce que ce n'est absolument pas une rencontre : c'est une activité compulsive. La rencontre doit être reconstruite, vraie, soignée, avec du temps de qualité.
Il n'y a pas le temps ? Alors Facebook ne résoudra pas ça. La seule chose que fait Facebook, c'est stocker méticuleusement l'ensemble de nos interactions de façon à enrichir le graphe de nos relations sociales et donc à proposer sur nos murs les contenus les plus enclins à développer notre addiction. On n'a certes pas toujours le temps d'aller prendre un pot. Le « chat » permet des échanges un peu plus élaborés. Le mail reste le moyen de communication électronique qui permet plus de soin : lire avec attention ce qu'on a reçu, répondre presque comme à l'époque où les courriers s'échangeaient sous enveloppe, sauvegarder un message dans ces brouillons tant qu'on n'est pas sur : ces pratiques tendent à disparaître.
Passé la stupeur de l'attentat de Nice et la sidération de ce à quoi j'assistais, il n'y a pas eu d'événement particulier qui m'a donné de Facebook l'image d'un aquarium dont j'avais envie de sortir, quitte à continuer à regarder ce qu'il s'y passe. Et il continue à s'y passer de belles choses, même si je regrette que certaines « vedettes » ne consacrent pas leur intelligence à écrire des choses plus profondes que des posts qui font marrer tout le monde, à la manière d'un enfant turbulent qui amuse la famille et à qui on reprochera tôt ou tard son hyper-activité stérile, même si je regrette que d'autres « vedettes » soient devenues… des vedettes malgré la vacuité de leur discours.
Mon dernier « post » à succès fut un article consacré à Yvan Mayeur, dont j'ai dit qu'il est un ami et que l'article était une « intéressante pièce au dossier ». Ce n'est pas le torrent de commentaires dont certains franchissaient les limites qui m'a marqué, mais bien le fait que ces franchissements de limites me laissaient au final assez indifférent.
« Les indifférents sont le poids mort de l'histoire » disait Antonio Gramsci. Sortir de l'aquarium Facebook, quitte à regarder de temps à autre ce qui s'y passe est la manière dont, actuellement (ça peut changer), je lutte contre ma propre indifférence.
Si vous voulez savoir si je ne m'ennuie pas, la réponse est : non, mille fois non ! C'est dingue ce que ça laisse comme temps pour lire, en particulier pour lire des choses qui aident à comprendre, à défaut d'aider à aller bien.
Alors oui, j'aime Brassens et la crème glacée, mais j'ai confiance en la résilience de mes 3.587 contacts Facebook pour survivre sans que je revienne sur ces questions fondamentales sur mon mur Facebook...
« Mais nous devons absolument continuer à raisonner, à réfléchir pour essayer de comprendre. Même au moment le plus critique, dans l'impasse totale, comprendre est la seule issue possible. Si la violence que nous sommes en train de subir nous empêche de penser et de comprendre, alors c'est que nous avons perdu la dernière bataille ».
Ainsi écrivait un certain Yves Citton, écrivant la préface d'un livre5 au soir du 13 novembre 2015, apprenant que des dizaines personnes venaient de mourir dans les attentats de Paris.
Je ne juge personne : simplement, moi, pour penser et comprendre, j'ai éprouvé ce besoin de sortir de l'aquarium...
1Et le « post » de cet article vient de mon compte Twitter
2De belles choses sont venues, sans parvenir à s'extraire du brouhaha général ; ceci par exemple : https://quartierslibres.wordpress.com/2016/07/16/meurtres-de-masse-de-nice-made-in-america-ou-made-in-daech/
3http://www.liberation.fr/planete/2015/10/28/turquie-massacre-et-repression-entre-deux-elections_1409536
4Oui, même là. Enfin, vous je ne sais pas, mais moi, oui, ça m'est arrivé souvent. Et ce n'est définitivement pas un lieu de rencontre. En tout cas, pour vous, je ne sais pas, mais pour moi, non.
5« Tueries – Forcenés et suicidaires à l'ère du capitalisme absolu » - Franco « Bifo » Berardi, Lux Éditeur