L'ennui au théâtre est un ennui d'une qualité incroyable. Je ne trouve un ennui aussi profond que dans une voiture, coincé dans un embouteillage.
L'ennui dans une salle d'attente de médecin ou de dentiste, en attendant qu'un guichet se libère à la poste ou dans une administration est beaucoup plus superficiel : cet ennui permet toujours de penser à autre chose, de lire, de laisser son esprit vagabonder ou de regarder autour de soi.
La qualité de l'ennui au théâtre (ou au volant d'une voiture dans un embouteillage, je ne le répéterai plus) vient de la privation de liberté. Assis sur son fauteuil dans la salle, entouré d'autres spectateurs, impossible de se concentrer sur autre chose, de déplier un journal ou d'entamer une conversation avec ses voisins. C'est un ennui gêné, entravé. L'impossibilité de le partager et de le laisser pleinement se déployer est un élément essentiel de l'expansion temporelle qui fait paraître une minute aussi longue qu'une heure.
Mercredi 23 avril 2014, j'ai assisté à la première de la reprise du spectacle « UTOPIA – After the walls », un seul en scène d'une heure vingt avec Vincent Lécuyer écrit et mis en scène par Anne-Cécile Vandalem, sur base de textes de Gaston Bachelard, Michel Serres, Franco Da Cecla, Jean Claude Guillebaud, Jean Baudrillard, Alexandra De Biase, Miguel Benasayag, Pierre Rabhi, René Brown.
Un tourbillon de mise en cause de la manière dont la vie est pensée, sur base des questionnements d'un architecte « qui ne pratique plus », Bernard Loizeau, fondateur de After the walls Inc. L'architecture est le prétexte, le support, le symbole d'une organisation aseptisée de la relation de chacun à tous. La construction de villes rassurantes a deux conséquences principales. Nous faire flipper derrières nos verrous, barrières, murailles, dans des espaces de vie devenus invivables et nous faire renoncer par avance à toucher ne fut-ce qu'à une virgule de ce monde.
Une heure vingt durant, aucun répit n'est laissé : on se fait piéger par le rythme du spectacle qui ne ronronne par moment que pour mieux nous cueillir et nous emporter.
On en sort avec une envie joyeuse de jongler avec des bâtons de dynamite.
Si trop souvent le théâtre vous ennuie, courez au Théâtre National jusqu'au 3 mai. Indispensable. Salutaire. Devrait être remboursé par la sécurité sociale. http://www.theatrenational.be/fr/program/428/AFTER-THE-WALLS-UTOPIA
L'ennui dans une salle d'attente de médecin ou de dentiste, en attendant qu'un guichet se libère à la poste ou dans une administration est beaucoup plus superficiel : cet ennui permet toujours de penser à autre chose, de lire, de laisser son esprit vagabonder ou de regarder autour de soi.
La qualité de l'ennui au théâtre (ou au volant d'une voiture dans un embouteillage, je ne le répéterai plus) vient de la privation de liberté. Assis sur son fauteuil dans la salle, entouré d'autres spectateurs, impossible de se concentrer sur autre chose, de déplier un journal ou d'entamer une conversation avec ses voisins. C'est un ennui gêné, entravé. L'impossibilité de le partager et de le laisser pleinement se déployer est un élément essentiel de l'expansion temporelle qui fait paraître une minute aussi longue qu'une heure.
Mercredi 23 avril 2014, j'ai assisté à la première de la reprise du spectacle « UTOPIA – After the walls », un seul en scène d'une heure vingt avec Vincent Lécuyer écrit et mis en scène par Anne-Cécile Vandalem, sur base de textes de Gaston Bachelard, Michel Serres, Franco Da Cecla, Jean Claude Guillebaud, Jean Baudrillard, Alexandra De Biase, Miguel Benasayag, Pierre Rabhi, René Brown.
Un tourbillon de mise en cause de la manière dont la vie est pensée, sur base des questionnements d'un architecte « qui ne pratique plus », Bernard Loizeau, fondateur de After the walls Inc. L'architecture est le prétexte, le support, le symbole d'une organisation aseptisée de la relation de chacun à tous. La construction de villes rassurantes a deux conséquences principales. Nous faire flipper derrières nos verrous, barrières, murailles, dans des espaces de vie devenus invivables et nous faire renoncer par avance à toucher ne fut-ce qu'à une virgule de ce monde.
Une heure vingt durant, aucun répit n'est laissé : on se fait piéger par le rythme du spectacle qui ne ronronne par moment que pour mieux nous cueillir et nous emporter.
On en sort avec une envie joyeuse de jongler avec des bâtons de dynamite.
Si trop souvent le théâtre vous ennuie, courez au Théâtre National jusqu'au 3 mai. Indispensable. Salutaire. Devrait être remboursé par la sécurité sociale. http://www.theatrenational.be/fr/program/428/AFTER-THE-WALLS-UTOPIA