Bonjour les amis,
Cela fait extrêmement longtemps que nous ne sommes pas retrouvés ici. Une lassitude par rapport à la compulsion de l'écriture, un sentiment de dérisoire auquel je contribuerais en vous partageant mes sentiments, une conviction de l'importance de produire des choses qui nécessitent temps et étude qui m'ont tenu à distance de mon blog.
Deux choses me ramènent ici.
D'abord que m'exprimer même modestement sur Facebook est contribuer à faire grandir un cloaque. J'y reviendrai sans doute un de ces jours. Mon compte est toujours actif et alimenté par mon compte Twitter qui me semble moins néfaste.
Ensuite le fait que s'il est important de produire du solide et du contenu, il ne faut jamais rater une occasion de mettre en évidence le Beau, ce qui rend le monde moins insupportable.
En d'autres termes, si le nombre de choses ignobles à dénoncer croît toujours, il est dangereux de s'en tenir là. Les meilleurs dans la dénonciation ne sont pas nos amis: Trump, Le Pen, les agitateurs de haine... Il y a un impératif aussi de décrire le monde tel que nous souhaiterions qu'il soit, à toutes les échelles du monde, jusqu'aux plus petites.
Ces derniers jours, j'ai trouvé deux fleurs que je voudrais vous partager.
Nous devons la première à Monsieur Daniel Knoll. Sa maman, Mireille, a été assassinée vendredi 23 mars 2018 par un ignoble dingue qui voulait la détrousser, pensant qu'elle avait de l'argent parce qu'elle était juive. L'assassinat d'une vieille dame de 87 ans sera toujours intolérable. Quand on apprend qu'elle a succombé à la seconde tentative de la faire mourir en raison de sa culture ou de sa religion juive, cela suscite une émotion qui dépasse les frontières. Jeune, Mireille avait échappé aux séides qui voulaient l'emmener au Vel d'Hiv', d'où elle aurait inéluctablement été emmenée dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Mireille a eu une petite vie anonyme, comme chacun d'entre nous avant de connaître l'horrible fin que nous savons.
Puis vient la polémique, trop fangeuse pour y revenir.
Puis vient son fils, Daniel, pas un jeune homme, non, et qui aurait aimé que sa maman puisse finir paisiblement ses jours.
Il suffit de penser à soi, à ses parents, à ce qu'on espère pour eux, à l'inéluctable qu'on n'accepte pas vraiment, en se disant que c'est dans l'ordre logique des choses, mais bon, tout de même, pour se faire une idée de ce à quoi Daniel pouvait penser lorsqu'il s'est élevé face à Jean-Jacques Bourdin ce 28 mars 2018 pour parler de l'assassinat de sa maman.
J'emploie le verbe "s'élever" car, face à la polémique, Daniel nous dit "moi, j'ouvre mon cœur", et, disant cela, il nous dit bien d'autres choses que j'interprète comme "si nous nous détestons, alors ce sera pire, alors cela alimentera la haine qui a causé cela". Daniel Schneidermann en parlait bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même ici: https://beta.arretsurimages.net/chroniques/les-kalifat-et-les-knoll .
La seconde fleur a poussé dans un endroit qui ne s'y prête guère: une grande surface d'un petit village du Sud-Ouest de la France. Là, un homme s'est offert en sacrifice pour "remettre le monde humain en ordre" comme l'a dit Jean-Luc Mélenchon l'autre jour à l'Assemblée Nationale, "illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement" (voir ici: https://www.youtube.com/watch?v=g2G1vY43-n0&feature=youtu.be). Je pointe cette phrase parce que pour moi elle est la reconnaissance et l'exhortation à une fraternité humaine par delà les convictions, et qu'elle me plait beaucoup.
On me demandait l'autre jour ce que le sacrifice d'Arnaud Beltrame avait changé. J'ai répondu que cela changeait tout. Cela change évidemment tout pour l'otage qui a eu la vie sauve, mais cela change aussi tout par rapport au refus absolu de laisser passer la barbarie.
Cela change aussi tout par rapport à chacune et chacun d'entre-nous, puisque cela nous pose la question de savoir si nous aurions pu agir comme lui. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'était son métier, cela n'est pas vrai: s'il n'avait pas posé son acte, personne n'en aurait rien su.
Marchant vers sa mort, je crois qu'Arnaud Beltrame pose la question de la limite de ce que nous pouvons accepter. En d'autres termes, je pense qu'il n'y a qu'une raison de poser un pareil acte, et qui est de se dire qu'on ne pourra pas vivre après si on ne le fait pas.
Pour moi, ce qui est commun et important dans les actes de Daniel Knoll et d'Arnaud Beltrame, c'est de poser clairement et de manière indiscutable une balise, une limite à ne dépasser sous aucun prétexte.
J'aurais préféré n'avoir rien à dire, que le village de Trèbes reste inconnu à la plupart, que Mireille Knoll soit toujours en vie et que son fils Daniel qui, quatre jours après l'assassinat de sa maman, s'élève et dit au monde "moi, j'ouvre mon cœur".
Si nous espérons ne pas avoir à faire face à aucun de ces exemples et à ces choix, au moins, "ouvrir son cœur" est quelque chose que nous pouvons faire quotidiennement, et cela rend le monde plus beau.
Cela fait extrêmement longtemps que nous ne sommes pas retrouvés ici. Une lassitude par rapport à la compulsion de l'écriture, un sentiment de dérisoire auquel je contribuerais en vous partageant mes sentiments, une conviction de l'importance de produire des choses qui nécessitent temps et étude qui m'ont tenu à distance de mon blog.
Deux choses me ramènent ici.
D'abord que m'exprimer même modestement sur Facebook est contribuer à faire grandir un cloaque. J'y reviendrai sans doute un de ces jours. Mon compte est toujours actif et alimenté par mon compte Twitter qui me semble moins néfaste.
Ensuite le fait que s'il est important de produire du solide et du contenu, il ne faut jamais rater une occasion de mettre en évidence le Beau, ce qui rend le monde moins insupportable.
En d'autres termes, si le nombre de choses ignobles à dénoncer croît toujours, il est dangereux de s'en tenir là. Les meilleurs dans la dénonciation ne sont pas nos amis: Trump, Le Pen, les agitateurs de haine... Il y a un impératif aussi de décrire le monde tel que nous souhaiterions qu'il soit, à toutes les échelles du monde, jusqu'aux plus petites.
Ces derniers jours, j'ai trouvé deux fleurs que je voudrais vous partager.
Nous devons la première à Monsieur Daniel Knoll. Sa maman, Mireille, a été assassinée vendredi 23 mars 2018 par un ignoble dingue qui voulait la détrousser, pensant qu'elle avait de l'argent parce qu'elle était juive. L'assassinat d'une vieille dame de 87 ans sera toujours intolérable. Quand on apprend qu'elle a succombé à la seconde tentative de la faire mourir en raison de sa culture ou de sa religion juive, cela suscite une émotion qui dépasse les frontières. Jeune, Mireille avait échappé aux séides qui voulaient l'emmener au Vel d'Hiv', d'où elle aurait inéluctablement été emmenée dans les chambres à gaz d'Auschwitz. Mireille a eu une petite vie anonyme, comme chacun d'entre nous avant de connaître l'horrible fin que nous savons.
Puis vient la polémique, trop fangeuse pour y revenir.
Puis vient son fils, Daniel, pas un jeune homme, non, et qui aurait aimé que sa maman puisse finir paisiblement ses jours.
Il suffit de penser à soi, à ses parents, à ce qu'on espère pour eux, à l'inéluctable qu'on n'accepte pas vraiment, en se disant que c'est dans l'ordre logique des choses, mais bon, tout de même, pour se faire une idée de ce à quoi Daniel pouvait penser lorsqu'il s'est élevé face à Jean-Jacques Bourdin ce 28 mars 2018 pour parler de l'assassinat de sa maman.
J'emploie le verbe "s'élever" car, face à la polémique, Daniel nous dit "moi, j'ouvre mon cœur", et, disant cela, il nous dit bien d'autres choses que j'interprète comme "si nous nous détestons, alors ce sera pire, alors cela alimentera la haine qui a causé cela". Daniel Schneidermann en parlait bien mieux que je ne pourrais le faire moi-même ici: https://beta.arretsurimages.net/chroniques/les-kalifat-et-les-knoll .
La seconde fleur a poussé dans un endroit qui ne s'y prête guère: une grande surface d'un petit village du Sud-Ouest de la France. Là, un homme s'est offert en sacrifice pour "remettre le monde humain en ordre" comme l'a dit Jean-Luc Mélenchon l'autre jour à l'Assemblée Nationale, "illustrant ainsi les valeurs de foi et de philosophie auxquelles il était attaché personnellement" (voir ici: https://www.youtube.com/watch?v=g2G1vY43-n0&feature=youtu.be). Je pointe cette phrase parce que pour moi elle est la reconnaissance et l'exhortation à une fraternité humaine par delà les convictions, et qu'elle me plait beaucoup.
On me demandait l'autre jour ce que le sacrifice d'Arnaud Beltrame avait changé. J'ai répondu que cela changeait tout. Cela change évidemment tout pour l'otage qui a eu la vie sauve, mais cela change aussi tout par rapport au refus absolu de laisser passer la barbarie.
Cela change aussi tout par rapport à chacune et chacun d'entre-nous, puisque cela nous pose la question de savoir si nous aurions pu agir comme lui. Et qu'on ne vienne pas me dire que c'était son métier, cela n'est pas vrai: s'il n'avait pas posé son acte, personne n'en aurait rien su.
Marchant vers sa mort, je crois qu'Arnaud Beltrame pose la question de la limite de ce que nous pouvons accepter. En d'autres termes, je pense qu'il n'y a qu'une raison de poser un pareil acte, et qui est de se dire qu'on ne pourra pas vivre après si on ne le fait pas.
Pour moi, ce qui est commun et important dans les actes de Daniel Knoll et d'Arnaud Beltrame, c'est de poser clairement et de manière indiscutable une balise, une limite à ne dépasser sous aucun prétexte.
J'aurais préféré n'avoir rien à dire, que le village de Trèbes reste inconnu à la plupart, que Mireille Knoll soit toujours en vie et que son fils Daniel qui, quatre jours après l'assassinat de sa maman, s'élève et dit au monde "moi, j'ouvre mon cœur".
Si nous espérons ne pas avoir à faire face à aucun de ces exemples et à ces choix, au moins, "ouvrir son cœur" est quelque chose que nous pouvons faire quotidiennement, et cela rend le monde plus beau.