Une spécificité française ?
La France a une longue tradition d'extrême-droite plurielle, avec ses royalistes, ses nationalistes, ses militaristes, mais aussi d'authentiques fascistes, des gens d'extrême-droite qui ont fait partie de la résistance, des cathos traditionalistes, des cagoulards, des camelots du roi, des racistes, des anti-homos etc... Bref, le terrain était particulièrement fertile pour que l'extrême-droite devienne la première force politique à une élection en France. Il faut cependant élargir le propos à ce qui est applicable ailleurs.
En d'autres termes, il ne s'agit pas de ne cibler que les 25 % obtenus par le FN aux élections européennes mais bien de prendre le recul nécessaire sur ce qui est en train d'arriver partout dans le monde occidental et sur ce qui nous pend au nez.
Si le FN est la réponse, quelle était la question ?
Pour atterrante que soit cette victoire, comment comprendre la surprise qu'elle a représenté, que ce soit dans la sphère médiatique ou dans la sphère politique ? Les médias persistent dans leur posture fascinée de parler de l'électorat FN comme d'une tribu lointaine et sauvage aux mœurs étranges, alors même que les personnes qui sont d'une manière ou d'une autre sensibles aux propos du FN sont partout. On n'en sortira pas sans se demander « si le FN est la réponse pour ses électeurs, quelle était la question » ? Et cela amène à caractériser ce qui ne va pas du tout dans nos sociétés et notamment à relier ce qui s'est passé en France à ce qui pourrait se passer chez nous. Au delà, résumer le problème à l'hypothèse que le FN se nourrit de beaufs incultes et ignorants permet d'éviter des questions beaucoup plus générales : comment le politique répond-il aux questions que se posent les électeurs ? Qu'est-ce qui reste accepté comme étant soumis à la délibération politique ?
La question de la manière dont les partis politiques répondent aux questions que se pose le peuple (sans parler d'attentes!) permet, en creux, de distinguer ce qui fait qu'il se tourne largement vers le FN ou vers des formations tout aussi inquiétantes.
Posons la question à l'envers : quel scénario électoral susciterait l'enthousiasme populaire de son électorat ? Quand avons-nous vibré un dimanche soir à l'écoute des résultats, en nous disant qu'il y avait un véritable enjeu de bonheur ? Je ne parle pas de celles et ceux qui, comme moi ou comme tout militant, s'impliquent dans une campagne électorale. Je parle de liesses du genre de celles vécue lors de l'élection de François Mitterrand en 1981 ou de celles vécues dans les pays d'Amérique Latine qui ont basculé à gauche ces 15 dernières années. En faisant abstraction des sondages, y a t-il un électeur lambda ou un militant sincère qui se disait que si son parti décrochait la timbale, alors ça méritait de faire la fête ?
Cela n'arrive plus : les seuls qui font la fête sont les élus et les présidents de partis vainqueurs. Et c'est terrifiant.
Sans doute est-ce lié à l'acceptation de ce que l'intervention politique est de plus en plus restreinte à des modalités d'exécution définies par le pouvoir financier, comme si la société avait été remplacée par une entreprise.
Cela accroit l'impression de vivre sous une chape de plomb. Lorsqu'on souffre, qu'on ne comprend pas pourquoi et qu'on a l'impression de vivre sous une chape de plomb, cela rend fou et cela conduit à commettre cette folie qu'est d'apporter son suffrage à un parti fasciste ou assimilé. C'est ce que Bernard Stiegler décrivait il y a plus d'un an déjà dans son ouvrage « Pharmacologie du FN ». Il rappelait que tout humain qui souffre sans savoir pourquoi aura en général pour premier réflexe de se trouver un bouc-émissaire.
Il nous faut inlassablement relire Primo Levi, qui a expliqué mieux que personne la perte de dignité et d'éthique de personnes plongées dans un bain de douleur.
Bref, on peut bien pleurnicher les soirs d'élection et puis pendant quelques jours parce que l'extrême-droite gagne, mais si on veut que l'extrême-droite ne gagne pas, il nous faut retrouver des raisons de nous réjouir par avance de résultats possibles, parce que ces résultats auraient des conséquences enthousiasmantes, pas seulement pour les vainqueurs.
Combattre l'extrême-droite commence donc par ré-enchanter LE Politique, c'est-à-dire le fait de répondre à la question « comment voulons-nous vivre ensemble ?».
En tant que mandataire et militant, je me dois de reconnaitre que ce que proposent les partis actuellement représentés ne répond pas à cette exigence, et je mets le mien dans le sac.
Échouer dans le ré-enchantement DU politique, c'est s'exposer à coup sur à la montée de l'extrême-droite, qui reste la plus efficace pour capter le vote protestataire, le vote de destruction. La question à laquelle répond l'extrême-droite est : comment détruire le plus sûrement le système actuel ?
Fasciste ou assimilé
Il est à ce stade intéressant de se pencher un instant sur ce qui caractérise ces partis. On peut se concentrer sur le racisme et l'antisémitisme avérés du FN. Sans nier une seconde le danger immédiat que ces abominations représentent, je pense que c'est se tromper de chemin que de se focaliser là-dessus.
Le dénominateur commun de ces partis est assez réduit : l'attachement au néo-libéralisme débridé, l'essentialisme, (c'est-à-dire nier le libre-arbitre et considérer que qui on est, homme/femme, arabe, explique ce qu'on fait), et la pratique qui consiste à ne jamais laisser le temps de la réflexion, de constamment pratiquer l'amalgame. Même en qualifiant le FN de raciste ou fasciste, ce qu'il a en commun avec des partis comme la NVA, avec le UKIP en Grande-Bretagne, le Parti de la Liberté aux Pays-Bas, la Ligue du Nord ou Forza Italia en Italie, ce sont ce néo-libéralisme débridé, cet essentialisme et cette manière d'être en permanence en mouvement pour empêcher le raisonnement de se former, pour empêcher de comprendre précisément d'où vient le coup, pour exploiter les pulsions et masquer à qui profite le crime. Si l'aspect néo-libéral du FN n'est pas clair, rappelons que le programme économique actuel de Le Pen fille est un héritage direct de Le Pen père, qui se rêvait en Reagan français.
J'attire l'attention sur l'importance qu'il y a à combattre ces pratiques d'extrême-droites sur tous leurs aspects, en particulier celui de l'amalgame. Sans rentrer dans les détails faute de temps, assimiler néo-libéralisme et extrême-droite est un tel amalgame pratiqué par certains de mes amis qui confondent gauche radicale et extrême-gauche. C'est une faute morale, car elle cible mal l'ennemi. C'est une faute politique, car elle accrédite cette manière de penser, sans faire la différence entre les différentes pensées. À l'opposé, et cela fait beaucoup plus mal, c'est le même genre d'amalgames qui conduit à mettre dans le même sac extrême-droite et la partie de la gauche qui remet en cause la manière dont l'Union Européenne se construit. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » (Albert Camus).
Il est plus indispensable que jamais d'être vigilant par rapport aux manifestations de l'extrême-droite, en ce compris dans ce qu'elle a de plus traditionnellement violent des points de vue moral et éthique. En même temps, je pense que la priorité, et s'il ne devait y en avoir qu'une ce serait celle-là, c'est inlassablement de construire de la réflexion, de se départir de ses propres passions et pulsions, de se départir également de l’habitude toxique de tout ramener à ce qu’on connait déjà. Je ne pense pas que ni les grands médias ni les autres formations politiques soient des alliés subjectifs de l'extrême-droite, en ce sens que je crois en leur sincérité quant au combat contre l'extrême-droite. Mais je pense que ces grands médias et ces formations politiques qui ont pignon sur rue sont des alliés objectifs en faveur du FN et de l'extrême-droite, en ce sens qu'ils font son lit.
Pour illustrer le propos, prenons l'exemple du buzz médiatique consécutif aux propos de Le Pen père sur la fournée à réserver à Patrick Bruel, Guy Bedos, Madonna et Yannick Noah. S'en est suivie une bordée d'interventions se focalisant sur ces propos et visant à démontrer que le FN ne s'était pas « respectabilisé ». Il a suffi de larmes et d'engueulades entre eux pour laisser accroire que la fille désavouait les propos du père. Bref, elle a pu tirer son épingle du jeu, pour cause d'agitation médiatique inutile. Les propos odieux de Le Pen père ont eu le retentissement qu'on a bien voulu leur donner. Il eut été possible soit de ne rien dire, soit de ne pas laisser la main au FN et de renvoyer Le Pen père au fait qu'il n'est qu'un vieux salopard, un ancien tortionnaire nostalgique, un soudard, un individu ne présentant pas le plus petit début de commencement d'intérêt. Au lieu de cela, l'agitation et la provocation ont permis au FN d'occuper l'agenda médiatique.
Bon, c'est le bordel, d'accord, alors on fait quoi ?
Il ne s'agit pas de préparer un « je vous l'avais bien dit ». Mon souhait le plus cher est qu'à court ou long terme nous riions ensemble autour d'un verre de tout ce qui me semble particulièrement sombre pour l'instant et au sujet de quoi je me serais trompé.
Évidemment, une manière de combattre la victoire du FN ou de tout autre parti aussi dangereux et répugnant est la victoire d'un autre parti. Cela ne suffit pas, puisqu'un Sarkozy peut en profiter et s'avérer toxique pour la société. Surtout, c'est tout à fait impossible à situation inchangée. Non pas, loin s'en faut, que tous les partis et tous les candidats soient interchangeables : il faut voter, en humain libre et probe, sans se laisser influencer par des détournements sur un vote qui serait plus utile qu'un autre. Scrutons, analysons, choisissons sans nous laisser déborder par nos passions !
Simplement, cela ne suffira pas.
Cela ne suffira pas non seulement parce que les partis politiques sont supposés être les porteurs de nos espoirs et qu'ils ne sont plus porteurs de grand-chose mais surtout parce qu'ils sont intégralement prisonniers d'un système qui ne fonctionne qu'en termes de consommation immédiate, d'exploitation des pulsions et qu'il est totalement impossible de penser une réponse aux angoisses collectives et fondées qui nous traversent dans un tel contexte. Un parti installé qui tenterait de sortir de ce système de consommation immédiate serait voué à la disparition à brève échéance.
Je le répète : mon propos n'est pas de dire qu'il faut vouer tous les partis aux gémonies et les mettre tous dans le même sac. Mon propos est de dire qu'il n'est de salut qu'en inventant d'autres formes d'action politique indépendante de la forme du parti qui se présente aux élections et est contraint par le calendrier électoral, par le rythme médiatique et par les relations de pouvoir.
Il s'agit d'une entreprise utopique au sens profond du terme, c'est-à-dire qui se met en total porte-à-faux avec la démarche idéologique, qui a pour principale finalité de perpétuer le monde tel que les forces dominatrices souhaitent qu'il reste.
Le présent texte vise à graver ma volonté de travailler à cette tâche.
La France a une longue tradition d'extrême-droite plurielle, avec ses royalistes, ses nationalistes, ses militaristes, mais aussi d'authentiques fascistes, des gens d'extrême-droite qui ont fait partie de la résistance, des cathos traditionalistes, des cagoulards, des camelots du roi, des racistes, des anti-homos etc... Bref, le terrain était particulièrement fertile pour que l'extrême-droite devienne la première force politique à une élection en France. Il faut cependant élargir le propos à ce qui est applicable ailleurs.
En d'autres termes, il ne s'agit pas de ne cibler que les 25 % obtenus par le FN aux élections européennes mais bien de prendre le recul nécessaire sur ce qui est en train d'arriver partout dans le monde occidental et sur ce qui nous pend au nez.
Si le FN est la réponse, quelle était la question ?
Pour atterrante que soit cette victoire, comment comprendre la surprise qu'elle a représenté, que ce soit dans la sphère médiatique ou dans la sphère politique ? Les médias persistent dans leur posture fascinée de parler de l'électorat FN comme d'une tribu lointaine et sauvage aux mœurs étranges, alors même que les personnes qui sont d'une manière ou d'une autre sensibles aux propos du FN sont partout. On n'en sortira pas sans se demander « si le FN est la réponse pour ses électeurs, quelle était la question » ? Et cela amène à caractériser ce qui ne va pas du tout dans nos sociétés et notamment à relier ce qui s'est passé en France à ce qui pourrait se passer chez nous. Au delà, résumer le problème à l'hypothèse que le FN se nourrit de beaufs incultes et ignorants permet d'éviter des questions beaucoup plus générales : comment le politique répond-il aux questions que se posent les électeurs ? Qu'est-ce qui reste accepté comme étant soumis à la délibération politique ?
La question de la manière dont les partis politiques répondent aux questions que se pose le peuple (sans parler d'attentes!) permet, en creux, de distinguer ce qui fait qu'il se tourne largement vers le FN ou vers des formations tout aussi inquiétantes.
Posons la question à l'envers : quel scénario électoral susciterait l'enthousiasme populaire de son électorat ? Quand avons-nous vibré un dimanche soir à l'écoute des résultats, en nous disant qu'il y avait un véritable enjeu de bonheur ? Je ne parle pas de celles et ceux qui, comme moi ou comme tout militant, s'impliquent dans une campagne électorale. Je parle de liesses du genre de celles vécue lors de l'élection de François Mitterrand en 1981 ou de celles vécues dans les pays d'Amérique Latine qui ont basculé à gauche ces 15 dernières années. En faisant abstraction des sondages, y a t-il un électeur lambda ou un militant sincère qui se disait que si son parti décrochait la timbale, alors ça méritait de faire la fête ?
Cela n'arrive plus : les seuls qui font la fête sont les élus et les présidents de partis vainqueurs. Et c'est terrifiant.
Sans doute est-ce lié à l'acceptation de ce que l'intervention politique est de plus en plus restreinte à des modalités d'exécution définies par le pouvoir financier, comme si la société avait été remplacée par une entreprise.
Cela accroit l'impression de vivre sous une chape de plomb. Lorsqu'on souffre, qu'on ne comprend pas pourquoi et qu'on a l'impression de vivre sous une chape de plomb, cela rend fou et cela conduit à commettre cette folie qu'est d'apporter son suffrage à un parti fasciste ou assimilé. C'est ce que Bernard Stiegler décrivait il y a plus d'un an déjà dans son ouvrage « Pharmacologie du FN ». Il rappelait que tout humain qui souffre sans savoir pourquoi aura en général pour premier réflexe de se trouver un bouc-émissaire.
Il nous faut inlassablement relire Primo Levi, qui a expliqué mieux que personne la perte de dignité et d'éthique de personnes plongées dans un bain de douleur.
Bref, on peut bien pleurnicher les soirs d'élection et puis pendant quelques jours parce que l'extrême-droite gagne, mais si on veut que l'extrême-droite ne gagne pas, il nous faut retrouver des raisons de nous réjouir par avance de résultats possibles, parce que ces résultats auraient des conséquences enthousiasmantes, pas seulement pour les vainqueurs.
Combattre l'extrême-droite commence donc par ré-enchanter LE Politique, c'est-à-dire le fait de répondre à la question « comment voulons-nous vivre ensemble ?».
En tant que mandataire et militant, je me dois de reconnaitre que ce que proposent les partis actuellement représentés ne répond pas à cette exigence, et je mets le mien dans le sac.
Échouer dans le ré-enchantement DU politique, c'est s'exposer à coup sur à la montée de l'extrême-droite, qui reste la plus efficace pour capter le vote protestataire, le vote de destruction. La question à laquelle répond l'extrême-droite est : comment détruire le plus sûrement le système actuel ?
Fasciste ou assimilé
Il est à ce stade intéressant de se pencher un instant sur ce qui caractérise ces partis. On peut se concentrer sur le racisme et l'antisémitisme avérés du FN. Sans nier une seconde le danger immédiat que ces abominations représentent, je pense que c'est se tromper de chemin que de se focaliser là-dessus.
Le dénominateur commun de ces partis est assez réduit : l'attachement au néo-libéralisme débridé, l'essentialisme, (c'est-à-dire nier le libre-arbitre et considérer que qui on est, homme/femme, arabe, explique ce qu'on fait), et la pratique qui consiste à ne jamais laisser le temps de la réflexion, de constamment pratiquer l'amalgame. Même en qualifiant le FN de raciste ou fasciste, ce qu'il a en commun avec des partis comme la NVA, avec le UKIP en Grande-Bretagne, le Parti de la Liberté aux Pays-Bas, la Ligue du Nord ou Forza Italia en Italie, ce sont ce néo-libéralisme débridé, cet essentialisme et cette manière d'être en permanence en mouvement pour empêcher le raisonnement de se former, pour empêcher de comprendre précisément d'où vient le coup, pour exploiter les pulsions et masquer à qui profite le crime. Si l'aspect néo-libéral du FN n'est pas clair, rappelons que le programme économique actuel de Le Pen fille est un héritage direct de Le Pen père, qui se rêvait en Reagan français.
J'attire l'attention sur l'importance qu'il y a à combattre ces pratiques d'extrême-droites sur tous leurs aspects, en particulier celui de l'amalgame. Sans rentrer dans les détails faute de temps, assimiler néo-libéralisme et extrême-droite est un tel amalgame pratiqué par certains de mes amis qui confondent gauche radicale et extrême-gauche. C'est une faute morale, car elle cible mal l'ennemi. C'est une faute politique, car elle accrédite cette manière de penser, sans faire la différence entre les différentes pensées. À l'opposé, et cela fait beaucoup plus mal, c'est le même genre d'amalgames qui conduit à mettre dans le même sac extrême-droite et la partie de la gauche qui remet en cause la manière dont l'Union Européenne se construit. « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » (Albert Camus).
Il est plus indispensable que jamais d'être vigilant par rapport aux manifestations de l'extrême-droite, en ce compris dans ce qu'elle a de plus traditionnellement violent des points de vue moral et éthique. En même temps, je pense que la priorité, et s'il ne devait y en avoir qu'une ce serait celle-là, c'est inlassablement de construire de la réflexion, de se départir de ses propres passions et pulsions, de se départir également de l’habitude toxique de tout ramener à ce qu’on connait déjà. Je ne pense pas que ni les grands médias ni les autres formations politiques soient des alliés subjectifs de l'extrême-droite, en ce sens que je crois en leur sincérité quant au combat contre l'extrême-droite. Mais je pense que ces grands médias et ces formations politiques qui ont pignon sur rue sont des alliés objectifs en faveur du FN et de l'extrême-droite, en ce sens qu'ils font son lit.
Pour illustrer le propos, prenons l'exemple du buzz médiatique consécutif aux propos de Le Pen père sur la fournée à réserver à Patrick Bruel, Guy Bedos, Madonna et Yannick Noah. S'en est suivie une bordée d'interventions se focalisant sur ces propos et visant à démontrer que le FN ne s'était pas « respectabilisé ». Il a suffi de larmes et d'engueulades entre eux pour laisser accroire que la fille désavouait les propos du père. Bref, elle a pu tirer son épingle du jeu, pour cause d'agitation médiatique inutile. Les propos odieux de Le Pen père ont eu le retentissement qu'on a bien voulu leur donner. Il eut été possible soit de ne rien dire, soit de ne pas laisser la main au FN et de renvoyer Le Pen père au fait qu'il n'est qu'un vieux salopard, un ancien tortionnaire nostalgique, un soudard, un individu ne présentant pas le plus petit début de commencement d'intérêt. Au lieu de cela, l'agitation et la provocation ont permis au FN d'occuper l'agenda médiatique.
Bon, c'est le bordel, d'accord, alors on fait quoi ?
Il ne s'agit pas de préparer un « je vous l'avais bien dit ». Mon souhait le plus cher est qu'à court ou long terme nous riions ensemble autour d'un verre de tout ce qui me semble particulièrement sombre pour l'instant et au sujet de quoi je me serais trompé.
Évidemment, une manière de combattre la victoire du FN ou de tout autre parti aussi dangereux et répugnant est la victoire d'un autre parti. Cela ne suffit pas, puisqu'un Sarkozy peut en profiter et s'avérer toxique pour la société. Surtout, c'est tout à fait impossible à situation inchangée. Non pas, loin s'en faut, que tous les partis et tous les candidats soient interchangeables : il faut voter, en humain libre et probe, sans se laisser influencer par des détournements sur un vote qui serait plus utile qu'un autre. Scrutons, analysons, choisissons sans nous laisser déborder par nos passions !
Simplement, cela ne suffira pas.
Cela ne suffira pas non seulement parce que les partis politiques sont supposés être les porteurs de nos espoirs et qu'ils ne sont plus porteurs de grand-chose mais surtout parce qu'ils sont intégralement prisonniers d'un système qui ne fonctionne qu'en termes de consommation immédiate, d'exploitation des pulsions et qu'il est totalement impossible de penser une réponse aux angoisses collectives et fondées qui nous traversent dans un tel contexte. Un parti installé qui tenterait de sortir de ce système de consommation immédiate serait voué à la disparition à brève échéance.
Je le répète : mon propos n'est pas de dire qu'il faut vouer tous les partis aux gémonies et les mettre tous dans le même sac. Mon propos est de dire qu'il n'est de salut qu'en inventant d'autres formes d'action politique indépendante de la forme du parti qui se présente aux élections et est contraint par le calendrier électoral, par le rythme médiatique et par les relations de pouvoir.
Il s'agit d'une entreprise utopique au sens profond du terme, c'est-à-dire qui se met en total porte-à-faux avec la démarche idéologique, qui a pour principale finalité de perpétuer le monde tel que les forces dominatrices souhaitent qu'il reste.
Le présent texte vise à graver ma volonté de travailler à cette tâche.